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09 Jul 2021

La ville joyeuse - dans la revue AURA Nr. 109, été 2021 - Thème Ville(s)

Je suis née près du ciel, dans une mansarde de la ‘ville joyeuse’. Mon berceau était meublé de villas luxueuses, témoignant d’un passé prospère du pays, qui se mélangeaient à de petites maisons écorchées et sombres, reliques oubliées entre les grands bâtiments gris, tristement modernes, occupés par les gens de la classe ouvrière. Au temps des questions, j’en avais toujours une qui me taquinait : « dis-moi, maman, pourquoi notre ville se nomme-t-elle Bucuresti[i] ou ‘ville joyeuse’ »? Petit à petit j’ai appris son histoire qui disait qu’il était une fois un berger nommé Bucur qui menait son troupeau sur les rives des ruisseaux Dâmbovita et Colentina, à une soixantaine de kilomètres du Danube. Que le terrain, en grande partie marécageux, avait poussé ses moutons vers les bois de Vlasie, sur la colline de Saint Athanase. Que le berger, qui était aussi laboureur et pêcheur, a mis de côté un sou après l’autre et a fait fortune. Que, pour certains, il passait pour un prince des voleurs et pour d’autres, pour un riche commerçant dont l’avoir n’était pas tout à fait propre. Et, enfin, selon une autre légende plus clémente, il aurait été fils de voïévode. Peu importe, vers l’an 1346 il a bâti sur ces endroits peu accueillants une petite église, autour de laquelle une bourgade a poussé. Et ce petit village, situé au croisement des routes commerçantes venant de l’orient et de l’occident, est devenu, en peu de temps, une ville florissante.
On m’a dit aussi que, selon la tradition du baptême des lieux, le nom de la ville a suivi celui de son bâtisseur Bucur, un dérivé du mot ‘bucurie’[ii]. À la même occasion j’ai appris ce que c’était une « capitale » quand on m’a dit qu’environ un siècle plus tard Bucuresti est devenue la résidence du trône des Principautés Roumaines. C’était sous le règne du prince redouté Vlad Tepes ou Vlad l’Empaleur, alias Dracula, surnoms donnés par ses contemporains. Et pour cause ! Il punissait ses ennemis, en les empalant. Jamais la ‘ville heureuse’ n’avait été aussi malheureuse, ‘propre’ et criarde qu’aux temps des jérémiades des voleurs et des envahisseurs ottomans dont les corps embrochés, dépenaillés par les vautours, bordaient le long des routes.

À travers la petite lucarne en forme de paupière je ne voyais que ma rue, le ciel et quelques toits lointains. Agrippée à l’œil de la maison, je guettais le passage matinal du laitier aux moustaches blanches, touffues, qui dépêchait son chariot rempli de bidons au lait frais, en criant « il est arrivé le laitier, il est arrivéééé ». Mais, plus que tout, j’attendais la chanson de l’affûteur de couteaux « venez, venez, j’ai des couteaux à aiguiser pour vous découper ». Quant au marchand de balais, j’aurais tant voulu répondre à sa gentille invitation : «’tit balais, le balai, achetez un ’tit balai». Petite fille insouciante, j’étais heureuse dans ma ‘ville joyeuse’ où mes parents comptaient chaque sou pour tenir bon en ces temps-là, faucheurs de rêves et d’espoirs. « Pourquoi pleures-tu, maman ?...». Mais toute trace de tristesse fondait sous le soleil de dimanche quand mon père m’emmenait au Parc de la Liberté. Liberté !! Comme ma petite main écrasée dans celle de mon père me faisait mal, lorsqu’il perdait le sourire en pensant au jour du lendemain… « Pourquoi me serres-tu si fort, papa ?... »

Bien que j’aie dû la quitter un jour, je n’ai jamais cessé d’aimer ma ‘ville joyeuse’. J’y reviens souvent pour voir un spectacle ou pour revoir les gens et les lieux qui me connaissent. Et quand je n’y suis pas, je ferme les yeux et me mets à courir dans les rues imaginaires de ce ‘petit Paris’ énigmatique, cosmopolite, verni par endroits d’un balkanisme parfois désespérant, tantôt vaincu, tantôt triomphant dans les méandres alambiqués de l’histoire. Des rues ?... Y en a combien à Bucarest ? Je ne saurais pas le dire. Pour moi, cette ville n’a qu’une seule rue : la rue de mon enfance.

 

©Antonia Iliescu
20.04.2021

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[i] Bucarest

[ii] Joie

30 May 2021

"A quel feu s'invitent vos rêves"- Editions LE COUDRIER - avril 2021

Quand on croise les rêves des auteurs
L’année 2020 a mis à rude épreuve toute la population terrestre et on ne te remercie pas, covid ! Peut-on vivre de ses rêves ? Certainement pas. Mais on peut survivre, grâce à eux, surtout quand on s’en fait un échafaudage pour surmonter peurs et angoisses, insomnies et désespoir. Et me voilà relever mes ailes de la poussière et je me mets à voler de nouveau avec mes voilures de mots peignant mes rêves. On dit qu’un homme ne ressemble nullement à un autre et c’est encore plus vrai quand l’homme est un artisan de rêves. D’où la grande diversité des textes réunis dans cette Anthologie anniversaire pour les 20 ans des Editions Le Coudrier qui porte le titre « A quel feu s’invitent vos rêves », parue en mai 2021. Merci à Joëlle Aubevert et Jean-Michel Aubevert de nous avoir ouvert les couvertures d’un bouquin pour déposer nos méditations, nos songes, nos cauchemars, nos délires. Pas besoin d’aller consulter des psychanalystes afin de déchiffrer les pensées du subconscient, reflets stylisés de cette période agitée, voire cruelle que nous venons de traverser. Un simple geste suffit: ouvrez ce livre et vous allez pénétrer dans l’univers parfois étrange, parfois magique des 43 auteurs qui ont mis leur brique pour bâtir ce temple de mots.

Antonia Iliescu
30.05.2021

 

03 Apr 2021

Apoptose - dans la revue AURA nr. 108, printemps 2021

J : Tu sais, Romain… Sans l’aide complice de la mort la vie ne serait pas possible. Dans sa forme normale, je veux dire…
R: Tu es macabre aujourd’hui, Joelle. Que veux-tu dire par-là ?

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28 Feb 2021

Être le temps - dans "Le Bibliothécaire" (décembre 2020)

Être le temps
Je suis du temps qui passe
Tu es le temps qui nous unit
Il est le temps qui nous sépare
Nous sommes le temps qui a passé
Vous êtes le temps qui passera s’il ne vous tourne pas le dos
Ils, elles sont le temps de leurs souvenirs…

Antonia ILIESCU
1.09.2020

 

28 Feb 2021

Le jugement - paru dans la revue "Au fil de la Dendre" Nr.2 - 2021

Le jugement

Les malheurs déchirent le monde sur le chemin
Des vies tombent à genoux pour demander pardon
Maisons, parcs et jardins laissés à l’abandon
Dessinent des paysages déserts, sans lendemain.

Froides cordes de violon braillent des sons indécis
La reine-musique vaincue n’atteint plus le ciel
Elle s’enfonce déformée dans amers tons de fiel
Et les splendeurs des gammes se taisent, ensevelies.          

Des cendres mauves, macabres élèvent de hauts amas        
Le songe se vête de noir et Thot applique sa loi      
Jetant dans le vieil âtre cosmique les âmes lourdes.

L’esprit s’est échappé du corps de notre monde      
Peuplé d’avatars de plus en plus immondes
Et le zéphyr se tait au fond de la vieille gourde. 

Antonia ILIESCU

14 Jan 2021

Trahie sur ma route

(texte paru dans la revue AURA 107 – thème Route(s) – Hiver 2020-2021)

Je n’avais que deux ans quand je l’ai aperçue pour la première fois. En ce jour ensoleillé, elle m’accompagnait en sautillant sur la première route de ma vie : ma rue. Qui était-ce, qu’est-ce qu’elle me voulait, cela ne m’intéressait guère. Enfant insouciant, je marchais sur ma route et je grandissais sans me poser des questions. Un jour je suis arrivée jusqu’au bout de ma rue, un bout fictif puisqu’il se ramifiait en rameaux et ramilles qui dessinaient d’autres routes, de grandeur et d’importance différentes.
Je regardais étonnée cet éventail de tentations et de promesses. Quel chemin emprunter ?... À chaque carrefour se cache une nouvelle aventure et dans chaque aventure, un piège. Un pas en avant et deux en arrière, j’avais peur de m’égarer ; et alors je rebroussais chemin.

C’est pendant les années d’adolescence qu’elle a commencé à m’intriguer. Avec son contour sans visage et sans voix, elle n’apparaissait que sous le soleil, quand je me promenais dehors. Elle imitait mes mouvements, en me devançant souvent sur le trottoir, comme si elle voulait me montrer la voie (sur les routes de la vie il y a parfois des moments où notre ombre nous dépasse). Je me posais un tas de questions… Pourquoi ne me quittait-elle jamais ? Pourquoi moi debout et elle par terre, se traînant comme un serpent ? Parfois je la regardais jalouse de sa silhouette longiligne, à la taille fine et aux longues jambes qui couraient légères sur le pavé. Elle paraissait si fragile que pas une seule fois je ne l’ai piétinée sous mes pas. J’évitais de lui marcher dessus, je ne voulais pas lui faire du mal ; après tout, n’était-elle pas ma sœur jumelle ? Je marchais avec elle, je grandissais avec elle, poursuivant la route de ma vie.

Le soleil est presqu’au zénith et mon ombre, quoique diminuée, ne cesse de m’obséder. Adulte bien installée sur mes pieds ayant battu tant de chemins j’ai continué à m’interroger à son sujet : « À quoi sert-elle ? Veut-elle me montrer qu’en moi, à part la partie visible et lumineuse, il y a aussi une partie obscure ? Pourquoi me tient-elle liée à la terre et ne me laisse-t-elle pas m’élever ? » Je me crois importante et je lui marche dessus, sans remords. Je veux même m’en débarrasser, oui, je la trouve inutile et méchante comme un œil espion qui contrôle chacun de mes mouvements. Et comme ça, prisonnière de mon ombre, j’avançais sur la route du destin, un petit regret dans un coin de l’âme de n'être pas née arbre. Si j’en avais été un, mon ombre aurait eu un sens : donner de la fraîcheur aux gens qui s’aventuraient sur les voies du désert. Mais mon ombre… Quel sens ? Je porte en moi un oiseau qui voudrait voler, mais l’ombre l’en empêche et le tient tout en bas, loin du ciel.

Néanmoins… Au fil des années, quand la solitude s’est invitée à ma table et le soleil préparait son lit, l’ombre est devenue ma seule amie. Je ne lui marche plus dessus. Moi et l’anti-moi arpentons maintenant sur les chemins de la vie, sans plus nous poser de questions. Elle est devenue mon aura sombre, tandis que je suis devenue son ombre à elle.
Oui, elle m’a trahie finalement… C’est elle qui a pris ma place dans ce monde. Quand je suis tombé malade elle m’a forcée d’accepter un troc. Ainsi, ai-je dû changer ma vaillante verticalité contre son humble horizontalité. Et bientôt je siègerai encore plus bas que mon ombre. Mais elle… elle pourra, enfin, s’élever sur les ailes de l’oiseau caché en moi et poursuivre sa route vers le ciel.

©Antonia Iliescu
27.09.2020

 

 

 

04 Jun 2020

« Bibidibabidiboo »

Parmi cet amas de roses qui ont envahi mon jardin, un bourgeon de Lys. C’était un signe de Chloé. Elle m’annonçait la sortie officielle de mon livre « Poésies en gouttelettes – Epigrammes », le 1er juin 2020 (ISBN 978-2-39018-121-7).
On sait qu’à cette date on fête les enfants, selon certains, ou les parents, selon d’autres. Pour moi, le 1er juin sera à jamais le jour où je suis née dans la famille de Chloé des Lys et le jour où mon livre a reçu le baptême du catalogue de cette maison d’édition belge. Que disent les fées ? Pendant la gestation, trois fées ont déjà donné leurs avis, inclus d’ailleurs dans l’ouvrage (était-ce Flora, Pâquerette ou Pimprenelle ? A découvrir !). Quant aux autres on attend. On verra… Bien ou mal. « Bibidibabidiboo ».

©Antonia Iliescu

Pour commander le livre: https://www.editionschloedeslys.be/

05 Dec 2019

Le 8e Salon "Alchimie du livre" à Charleroi

On vous attend au

SALON ALCHIMIE DU LIVRE

le 8.12.2019 – entre 11h et 18h

L’invite d’honneur: Eric BROGNIET sera présent de 11h à 18h (salle 11) et signera notamment ses trois livres les plus récents : 


Radical Machines (Ed. du Taillis Pré, 2018) qui aborde le thème de l’intelligence artificielle et d’un monde mutant vers les cyborgs et le transhumain -
Tutti Cadaveri (L’Arbre à Paroles, 2018), qui évoque non seulement la tragédie du Bois du Cazier mais plus largement les effets pervers de l’exploitation industrielle de l’être humain -
Bloody Mary : road movie pour Marilyn Monroe ( Ed. du Taillis Pré, 2019) qui met en cause, à travers une icône du cinéma américain des années cinquante et soixante, un modèle culturel qui fait de la femme la victime équivoque d’un système socio-médiatique implacable.

Un aperçu des différentes facettes de son œuvre, en ce compris des vidéos de ses performances avec des groupes rock, des lectures radiophoniques et des extraits d’interviews, mais aussi des exemplaires de livres d’artiste seront présentés tout au long de cette journée.

J’y serai présente avec mes livres, ainsi que mon dernier album CD « Être l’amour «  

40 auteurs y participent !

Le PROGRAMME 

11h00 Mots de bienvenue par Serge BUDAHAZI, bibliothécaire-responsable.
Présentation de l’invité d’honneur par C-L DESGUIN, auteur-collaboratrice du Salon.
Inauguration par un/des mandataire(s) de la Ville de Charleroi et 
 par Jean-François FUËG, Directeur général adjoint du Service général de l’Action territoriale de la FWB
11h30 Verre de l’Amitié du Bourgeon & de la Ferme du Printemps

Espace Mundaneum (salle 4) RENCONTRE AVEC LES AUTEURS 

14H00 Jean- Louis Cayla Journal onirique d’ un écrivain vain : un cheminement vers la société des écrivains

14h30 Franca ROSSI  Bipolaire, vous avez dit bipolaire ? (autobiographie romancée) 
15H00 Caroline Tapernoux Une femme d’extérieur (roman) & 
 Sophie De Baets Voyage au bout du burn-out (autobiographie)
 
16h00 Sylvain Wagnon  Pour une pédagogie solidaire  (plaidoyer pour une prise en compte des défis actuels par l’éducation et pour l’affirmation d’une boussole éthique à partir des principes de l’Education nouvelle.

Espace Yourcenar (salle 1) RENCONTRE AVEC LES AUTEURS :

13h30 Antonia Iliescu - Alchimiquement vôtre – mes livres en quelques mots 

14H00 Daniel  GAYE - Apophis, au clair de lune (roman)
14H30 Laurent Berger Tanière : un érotisme à fleur de lignes 
 (texte poétique illustré par Valérie Vanden Bulcke)
15H00 Eric Fagny - Les Masques feuillus (roman policier érudit) et 
 SMS Si Mourir S’impose (roman sentimental entre Aiseau et Sambreville) 
16H00 Jean-Marc Glinne (ECEPS)- Propos autour du livre électronique en question 
 (avec diaporama)

Espace Librarium (salle 8 caves) RENCONTRE AVEC UNE ARTISTE

11h-17h Genevève Vastrade expo  Bois de Pierre & Gravure Végétale (+ animation) 

Où? A la Bibliothèque Marguerite Yourcenar 
Château Bilquin-De Cartier

Adresse: Place du Perron, 38 à Marchienne (Belgique)

Tél: 071/31.58.89

                      https://www.quefaire.be/salon-du-livre-de-charleroi-1006509.shtml

                     

      

 

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